Chronique stratégique du 3 juin 2020 (pour s’abonner c’est PAR ICI)
L’économie, le talon d’Achille de Trump
Face à une situation intérieure intenable, sur les plans sanitaire, économique et social, le président américain bascule dans le pire. Et il y est poussé ardemment par les forces qui tentent de se débarrasser de lui depuis son élection. Précisons que la véritable motivation de l’animosité viscérale manifestée par l’establishment à son égard depuis son élection, derrière les mille et une accusations – misogynie, racisme, trahison russe, etc (repris en boucle par des journalistes européens appliquant les grilles de lecture d’il y a 50 ans) –, a toujours été de saboter sa politique de détente avec la Russie et la Chine, et de remettre la politique étrangère américaine dans le « droit » chemin de l’impérialisme anglo-américain, que les administrations Bush, Jr et Obama avaient docilement suivies.
Après deux mois et demi de confinement, le bilan est lourd : le Covid-19 a fait plus de 100 000 victimes outre-Atlantique ; près de 40 millions d’Américains ont perdu leur emploi, et avec lui leur couverture maladie ; le taux de chômage officiel est de 20 %, et il pourrait atteindre les 25 % à la fin juin, selon la Réserve fédérale (Fed) – soit des niveaux supérieurs à ceux de la Grande Dépression ; des entreprises telles que Hertz, J. Crew, Diamond offshore, etc, ont déposé le bilan, et l’on s’attend à ce que la moitié des PME mettent la clé sous la porte dans les six prochains mois.
L’erreur fondamentale de Trump a été, alors qu’il s’est façonné l’image d’un personnage disruptif en guerre contre tout les élites de Washington, de ne jamais avoir pris le taureau de la finance par les cornes ; au contraire, il a cru bon de construire sa crédibilité et sa popularité sur une « reprise économique » basée sur la hausse artificielle des bourses – dopée par la morphine monétaire de la Fed et par un protectionnisme unilatéral supposé ramener les emplois industriels à la maison.
Ainsi, la colère des populations afro-américaines, qui en raison de leur précarité économique ont été frappées plus durement par la crise sanitaire et attendent souvent encore l’allocation que Trump leur a promis, est tellement à fleur de peau qu’une simple étincelle (bien médiatisée) a suffi pour répandre le feu sur l’ensemble du territoire.
Des manifestations légitimes, exprimant pacifiquement l’indignation devant l’immunité trop souvent accordée aux bavures policières, ont été systématiquement « pourries » par des casseurs. Plusieurs journalistes se sont étonnés du fait que dans plusieurs villes (New York, Dallas, Kansas City et Fayetteville en Caroline du Nord), des palettes de briques avaient été prépositionnés le long des trajets des marches de protestation, à des endroits où aucun chantier n’était en perspective... Des milices de suprémacistes blancs, armes au poing, sont elles aussi descendues dans la rue.
Un feu médiatique que ne manquent pas d’attiser sans scrupules les Démocrates, dans l’espoir de récupérer le vote des Noirs dont 1,3 millions avaient voté en faveur de Trump en 2016 (ce que les médias français ont semble-t-il oublié). De plus, les Démocrates n’ont pas de leçons à donner à ce sujet. En effet, en 2015, le président Obama avait fait voter la « blue law », accordant une certaine immunité juridique à la violence policière ; et Joe Biden, l’actuel prétendant à l’investiture démocrate soutenu aussi bien par le milliardaire Bloomberg que par le faux socialiste Bernie Sanders, a osé déclarer, quelques jours avant la mort de George Floyd, que « tout noir votant Trump n’est pas noir », tout en le regrettant immédiatement après. Biden, faut-il le rappeler, a été l’homme clé de l’Administration Obama pour porter au pouvoir les néo-Nazis en Ukraine. Démocrate ?
Dans un tel contexte, il devient d’autant plus facile pour les Mike Pompeo et autres Steve Bannon d’attirer Donald Trump dans le piège géopolitique, auquel le président avait résisté depuis trois ans, visant à faire de la Chine le bouc émissaire.
Et Trump trompé pompa Pompeo
Cela était évident lors de son discours du 29 mai, prononcé au Rose Garden de la Maison Blanche devant la presse, aux côtés de Mike Pompeo. Partant du problème de Hong-Kong, Trump a repris tous les mensonges colportés ces dernières semaines par son secrétaire d’État à l’encontre de la Chine, mensonges qui lui ont été fournis par le dernier dossier de la très britannique Henry Jackson Society de Londres :
Le monde souffre désormais des méfaits du gouvernement chinois, a-t-il déclaré. La dissimulation du virus de Wuhan [sic] par la Chine a permis à la maladie de se propager dans le monde entier, déclenchant une pandémie mondiale qui a coûté la vie à plus de 100 000 Américains (…). Les responsables chinois ont manqué à leurs obligations d’informations, et ont fait pression sur l’OMS pour qu’elle trompe le monde lorsque le virus a été découvert pour la première fois par les autorités chinoises.
Trump a accusé Beijing d’avoir « imposé un contrôle chinois total sur la sécurité de Hong-Kong », en « violation des engagements pris lors de la signature de la Déclaration de 1984 avec le Royaume-Uni », faisant référence à la nouvelle loi votée le 28 mai par le Parlement chinois, qui autorise en effet l’intervention de l’armée chinoise à Hong-Kong lors d’une situation insurrectionnelle menaçant la sécurité nationale.
Se joignant au Royaume-Uni, le président américain a convoqué le Conseil de sécurité des Nations unies, suivant ainsi les appels insistants de son ancien conseiller Steve Bannon qui, sur la question de la Chine, est un faucon de guerre encore plus extrême que Pompeo. Bannon fait partie de réseaux omnipotents et omniscients à Hong-Kong qui, derrière les 1300 entreprises américaines installées sur l’île, ont monté, avec l’appui des services secrets anglo-américains et du National Endowment for Democracy, une machine de recrutement, d’entraînement et d’organisation d’émeutiers professionnels. Le déploiement de ces groupes, qui a débuté en 2014 lors de la « révolution des parapluies », a pour objectif de créer une situation de chaos à Hong-Kong, forçant une intervention de Beijing et donnant un prétexte pour une escalade, y compris, dans un second temps, avec Taiwan.
Ce discours est un désastre total, a commenté Helga Zepp-LaRouche, la président internationale de l’Institut Schiller. Si telle est l’attitude des États-Unis à l’égard de la Chine, des turbulences majeures sont devant nous. (…) Ce conflit entre les États-Unis et la Chine est probablement le conflit stratégique le plus dangereux. Il n’est pas possible de contenir un pays de 1,4 milliards d’habitants, dont le gouvernement s’est engagé dans une politique économique positive en mettant l’accent sur le progrès scientifique et technologique.
Pour les intérêts du complexe militaro-financier, la stratégie dite du « découplage » est le mot du jour. Si officiellement Bruxelles regrette la dégradation des relations sino-américaines, d’autres se frottent les mains. Faisant fi des pressions américaines, l’UE, dont l’Allemagne prend la présidence tournante, a maintenu tous ses rendez-vous avec la Chine dans les mois à venir.
Pour Londres et la City, le temps des discussions est révolu. Une guerre froide brutale et même un affrontement militaire deviennent des options. Jusqu’ici, la Chine, en gardant son calme, souligne que ceux qui risquent d’y perdre le plus seront les instigateurs de cette nouvelle orientation.
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# vincent
• 03/06/2020 - 20:55
Très bien résumé !
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